Dans un ouvrage classique intitulé Le deuxième sexe,considéré à ce jour comme le plus grand livre de la philosophie contemporaine sur le féminisme, Simone DE BEAUVOIR a dit, « on ne naît pas femme, on le devient ! ». Dans cette réflexion fondamentale ayant inspiré de nombreux mouvements féministes, DE BEAUVOIR ne présente pas seulement sa thèse majeure de « la femme comme figure de l’Autre, comme figure aliénée par la culture dominante masculine », et ce livre toujours aussi actuel n’est pas seulement « un constat philosophique », il est avant tout un puissant manifeste politique, un livre de combat pour un féminisme assumé et plus engagé, une pensée qui prône la libération des femmes, et à travers elle, finalement celle de l’humanité toute entière.
Ce qu’il convient de retenir de la pensée de cette illustre féministe, et qui parle davantage à notre société aujourd’hui, c’est que « l’inégalité homme/femme est culturellement construite, et non un fait naturel ». À l’origine la femme est l’égal de l’homme, à la fois intellectuellement et physiquement, sans conteste possible, et il est à la fois incongru et inquiétant, en plein 21e siècle, d’avoir à le rappeler ! Mais c’est l’homme, parce qu’il produit une idéologie de domination, héritée d’une longue et vielle culture de domination, et donc parce qu’il est aujourd’hui en position de dominant, qu’il renvoie la femme à son altérité pour en faire un être inférieur, biologiquement, physiquement, intellectuellement, économiquement, et donc politiquement. Il s’agit là d’ « un construit » et non d’un « donné », qui appelle donc à une forte mobilisation, malheureusement encore aujourd’hui, en 2021, pour une « déconstruction » totale, fondamentale, définitive de ce « construit » social !
Le contexte actuel réveille les enjeux contemporains de cette grande cause de l’humanité entière. À l’orée de la semaine mondiale consacrée à la femme, que de débats dans le monde en général, et dans notre société africaine en particulier, entre autres sur les rôles sociaux de la femme actuelle, sur son impact social, en l’occurrence du point de vue de sa contribution au développement aujourd’hui décisive, sur la centralité de son leadership dans la marche harmonieuse de nos sociétés, sur l’importance de la problématique de l’égalité avec ses divers visages et corollaires contemporains, sur la spécificité de la problématique du genre et des diverses appropriations dont elle est l’objet dans le cadre des mobilisations sociales militantes et dans les politiques publiques des Etats.
La question du féminisme, comme on pouvait s’y attendre lorsque l’humanité est en danger, prend une résonnance particulière en ce moment, avec toutes les instrumentalisations politiques de la question raciale aux Etats-Unis, au Brésil, en France et dans de nombreux occidentaux aux lendemains des mobilisations sociales contre le racisme faisant suites aux bavures policières contre les Noirs. Et on entend aujourd’hui des échanges décomplexés autour d’un féminisme « racisé » dans les sociétés occidentales, et de plus en plus en Afrique, qui témoigne de la forte emprise du politique sur la question de la femme, du féminisme, et sous certains abords, sur celle de la « féminité ».
Le féminisme, et c’est ce qui fait une part de sa beauté, est un « nom masculin », qui s’entend, de manière liminaire, comme une doctrine qui préconise l’égalité entre l’homme et la femme, et l’extension du rôle de cette dernière dans la société. Mais il désigne aussi un ensemble de mouvements et d’idées philosophiques qui partagent un but commun : définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes, pour la construction d’une meilleure humanité, c’est-à-dire plus pacifique, plus harmonieuse, plus équilibrée, et aussi plus prospère.
Quant à la féminité, elle constitue le « caractère féminin », et désigne l’ensemble de caractères stéréotypés correspondant à l’image sociale traditionnelle des femmes, par opposition à la « virilité », supposée qualifiée la masculinité. Mais dans une perspective plus politique, la féminité c’est l’ensemble des caractères morphologiques, psychologiques et comportementaux spécifiques, ou considérés comme spécifiques aux femmes. Ils sont liés au sexe ou au genre, et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel.
Si les dimensions politiques de ces définitions permettent de mieux entrevoir les enjeux des mobilisations autour du féminisme, l’une des constantes dans ces mobilisations diverses, plurielles, et sans doute complexes, qui racontent toutes des histoires d’une apparente singularité, est qu’elles cachent mal le tableau de l’unité qu’elles dessinent toutes autour d’un besoin de « femme », dans un monde foncièrement en proie à de violents tourments. Notre monde est effectivement malade, et son remède se trouve entre les mains de « la femme » ! En ce 08 mars 2021, oui donc au regain du féminisme, pour un « plus de femme », car aucun mouvement n’est aussi légitime que lui pour casser les codes d’un modèle de société, prônant le « moins de femme », qui a lamentablement échoué ! Oui aussi à la féminité, son complément essentiel, qui n’est pas que le « caractère féminin », mais aussi, d’une part la « façon femme de voir, de penser et de faire les choses », d’autre part l’horizon de notre humanité et la plus belle expression de la divinité !